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Alamo: Historique

Historique

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Créé en 1981 par Paul Braffort et Jacques Roubaud comme prolongement informatique de l'OULIPO (OUvroir de LIttérature POtentielle) créé par Raymond Queneau et François Le Lionnais dans les années 1960).

A. De 1981 à 1998

L'histoire de l'OULIPO (OUvroir de LIttérature POtentielle) est bien connue1. Pour ses fondateurs (Raymond Queneau et François Le Lionnais), il s'agissait de réunir écrivains et mathématiciens intéressés par les problèmes de création littéraire sous contrainte. L'écriture sous contrainte, on le sait, remonte à la plus haute antiquité (lipogrammes, palindromes, etc…) mais les oulipiens, tout en rendant hommage à leurs « plagiaires par anticipation » s'efforcèrent de définir, puis d'inventer de nouvelles formes qui utiliseraient, autant que possible, des structures mathématiques non triviales2.

Parmi les différentes sources de potentialité qu'il était naturel d'exploiter, c'est naturellement que nous nous sommes tournés vers Jean Meschinot (vers 1490) et Quirinus Kuhlmann (vers 1660), qui ont exploité très tôt les possibilités littéraires de la combinatoire. Raymond Queneau proposa ainsi, avec les Cent mille milliards de poèmes, un système de production « à la main », exploitant les possibilités offertes par l'impression de dix sonnets sur des feuilles découpées en (quatorze) languettes. Très vite des informaticiens proposèrent des versions sur ordinateur qui amélioraient l'efficacité du travail combinatoire du lecteur.

Les applications informatiques que Marcel Bénabou et Paul Braffort avaient imaginé, dans le domaine des procédures combinatoires, furent présentées « en attraction » à l'occasion des stages que l'Oulipo organisait chaque année à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, dans le cadre de la Maison du Livre et des Mots. Mais une confusion risquait de s'introduire dans l'esprit du public entre les activités oulipiennes et certaines expériences informatiques qui n'étaient pas liées directement au projet oulipien.

C'est ce qui conduisit Paul Braffort et Jacques Roubaud à proposer, en juillet 1981, la création d'un groupe nouveau, se consacrant exclusivement au couple « Littérature/Informatique » : l'ALAMO (Atelier de Littérature Assistée par la Mathématique et les Ordinateurs) où se retrouveraient des oulipiens, mais aussi d'autres écrivains, des enseignants et des chercheurs intéressés par la linguistique, l'Intelligence Artificielle ou la pédagogie.Ce groupe comprenait à l'origine Simone Balazard, Jean-Pierre Balpe, Marcel Benabou, Mario Borillo, Michel Bottin, Paul Braffort, Paul Fournel, Pierre Lusson et Jacques Roubaud, rejoints plus tard par Anne Dicky, Michèle Ignazi, Josiane Joncquel-Patris, Jacques Jouet, Nicole Modiano, Héloïse Neefs, Paulette Perec et Agnès Sola puis Éric Joncquel, Guy Chaty et Jean-Philippe Roussilhe. Notre premier rapport parut dans le numéro d'Action poétique, consacré à l'ALAMO et publié sous la direction de Jean-Pierre Balpe3.

Dès la création du Centre Georges Pompidou, les pouvoirs publics avaient senti la nécessité d'encourager les créateurs dans leur effort pour acquérir la maîtrise des technologies nouvelles. Ce fut d'ailleurs l’objet du colloque organisé conjointement par le Ministère de la Culture et le Ministère de la Recherche et de la Technologie4, en 1982, et où fut annoncée officiellement la fondation de l'ALAMO.

Dans une première phase, des programmes de démonstration furent développés et présentés dans le cadre d'un certain nombre de manifestations parmi lesquelles on peut citer les expositions Les Immatériaux au Centre Georges Pompidou et Arts et Maths à la Cité des Sciences et de l'Industrie de La Villette. On peut distinguer :

Après la mise au point de ces programmes de démonstration, d'autres expériences intéressantes furent menées, notamment par Jean-Pierre Balpe et Jacques Roubaud, Jacques Jouet et Nicole Modiano. Mais il devenait de plus en plus clair que la construction de programmes ad hoc, « au coup par coup » n'était pas efficace.

Par ailleurs, il devenait évident que la mise au point d'algorithmes réellement interactifs « intelligents », c’est-à-dire permettant à l’utilisateur de créer lui-même un programme de création nous obligeait à concevoir, une méthodologie nouvelle, de niveau supérieur : un véritable langage-auteur.

La mise au point de ce concept de langage auteur occupa les années 1984 et 1985 et ces logiciels de création de textes furent baptisés littéraciels. L'analyse ayant pour objectif pratique la synthèse, il nous semblait naturel d'envisager la construction d'un schéma littéraire qui permette d'expliciter les contraintes auxquelles doivent obéir les textes à produire. Ces contraintes peuvent se situer à tous les niveaux de la hiérarchie des structures littéraires.

Pour éprouver notre méthodologie, nous avons imaginé tout d'abord de construire un logiciel de production de textes relevant d'un domaine particulier, celui que François Le Lionnais avait proposé d'appeler la « Littérature du troisième secteur » (c'est-à-dire les textes administratifs, modes d'emploi, petites annonces, tracts publicitaires, etc…). C'est ce que nous avons baptisé le projet SELTS (Synthèse Elégante de Littérature du Troisième Secteur). En fait nous nous sommes limités à un secteur bien précis, pour lequel il était facile de constituer une base de données initiale : celui des petites annonces matrimoniales. Un essai fut également tenté dans le secteur des nécrologies, un autre dans celui — d'ailleurs apparenté — des vies brèves. SELTS fut alors généralisé pour devenir SEL (Synthèse Elégante de Littérature). Dans ce nouveau système, Simone Balazard et Nicole Modiano conçurent un système de génération de textes dramatiques baptisé SCENARIO (fondé sur un principe imaginé par Etienne Souriau et prolongé par Léon Bopp5).

Ces premiers littéraciels proposent à l'utilisateur de construire un schéma de production susceptible de créer des textes originaux en spécifiant un certain nombre d'objets littéraires :

Bien entendu, le moniteur qui gère, à l'aide d'un menu, l'ensemble du littéraciel, comporte les modules de saisie, d'édition et de modification qui permettent à l'utilisateur de construire son schéma par étapes, d'en évaluer les qualités « créatrices » et d'en améliorer les performances. La longueur des textes engendrés par des schémas de ce type n'est pas limitée en principe. Elle dépend de deux paramètres : le nombre de feuilles de l'arbre de base et la longueur des entrées qui composent les lexiques. Mais dès qu'on se propose de produire des textes de plusieurs pages, la définition et la mise en œuvre des contraintes permettant une gestion rigoureuse de l'intrigue devient extrêmement laborieuse.

C'est dans cette direction que les premiers travaux avec SEL nous ont orientés. Il nous est alors apparu que, plutôt que de tenter des améliorations locales du système, il était préférable d'élaborer un système général comprenant SEL à titre de cas particulier, mais ouvert aux initiatives les plus variées. C'est bien ainsi qu'est né le projet LAPAL. Les expériences menées dans le cadre du projet SELTS comme le travail effectué pour la mise au point de programmes de démonstration nous permirent de mettre en évidence un certain nombre d'invariants que l'on retrouvait régulièrement dans tous nos programmes :

Compte tenu des difficultés rencontrées par les chercheurs anglo-saxons ainsi que de l'évolution rapides de certaines technologies (en particulier dans le domaine du traitement des grandes bases textuelles) nous avons adopté une attitude modeste consistant à étudier puis à réaliser une famille de systèmes de production de textes de complexité croissante qui tiendraient compte, dans leur évolution, de l'expérience acquise au cours d'ateliers d'écriture pour lesquels nous avons été régulièrement sollicités. Ces littéraciels furent respectivement SEL, CAVF, MAOTH et LAPAL, les trois derniers étant opérationnels.

Il existe désormais un grand nombre de lieux où la possibilité est offerte au public de participer à des activités de création. Ces activités d'animation : exposés didactiques, stages et ateliers d'écriture, etc... ont fait l'objet de l'attention de l'ALAMO. Dès le début les ateliers de Villeneuve-lez-Avignon, d'Élancourt, de Sommières, de Saint-Quentin, etc… ont permis de mettre à l'épreuve nos principes et nos méthodes.
De nombreux ateliers ont suivi : Salon du livre (1983), Aix-en-Provence (1983),Villeneuve-lez-Avignon (1983), Toulouse (1984), Niort (1985), Sommières (1986) , Saint-Quentin (1988), Chicago (1990), Clermont–Ferrand (1991), Saarbrûck (1991), Bordeaux (1993),Cergy-Pontoise (1994), Saint-Herblain (1994), Palais de la Découverte (1998).
Y ont participé : Jean-Pierre Balpe (1983), Héloïse Neefs et Marcel Bénabou (1984), Jean-Pierre Balpe et Nicole Modiano (1985), Marcel Bénabou, Jacques Jouet et Josiane Joncquel-Patris (1985, 1986), Anne Dicky, Paul Braffort (986), Marcel Bénabou, Paul Braffort (1987), Josiane Joncquel Patris, Héloïse Neefs (1988), Paul Braffort et Josiane Joncquel-Patris (1990), Paul Braffort (1991, 1994), Guy Chaty (1996).
Une expérience particulièrement intéressante a été conduite, dans cet esprit, à l'Université de Chicago: Josiane Joncquel a utilisé CAVF et MAOTH dans son enseignement du français langue étrangère, en particulier avec des étudiants de niveau « avancé » (Advanced French 213): pour ne donner qu'un exemple; grâce à MAOTH, les étudiants ont étudié la structure de paragraphes de Flaubert, de phrases complexes de Proust, et vérifié leurs acquis en créant des textes de même structures, avec leur propre lexique ou un lexique emprunté à un autre auteur français. Parallèlement, nous avons mené des ateliers d'écriture, avec une version anglaise des littéraciels, dans le cadre de la formation continue de la même université.

La grande généralité des procédures utilisées par nos littéraciels, en particulier par LAPAL, a permis leur utilisation dans des contextes linguistiques divers. C'est ce qui a conduit à la constitution de groupes du type ALAMO dans plusieurs pays tels que ALAMO-USA (Marvin Green, Gerald Honigsblum, Robert Wittig, et coll.) aux Etats-Unis et TEANO (Marco Maiocchi et coll.) en Italie. En même temps les progrès de la technologie conduisaient naturellement à une extension progressive des fonctionnalités et des « pragmatiques » associées avec la perspective d'une mise en oœuvre automatique des contraintes linguistiques usuelles, mais aussi de contraintes sémantiques et stylistiques beaucoup plus fortes que ce qui était possible jusqu'à une date récente.

Une expérience à grande échelle a été réalisée en octobre 1988 dans le cadre de FAUST (Forum des Arts de l'Univers Scientifique et Technique), s'inspirant de l'expérience américaine « Invisible Seattle ». Ce projet, baptisé RIALT (Réseau International d'Activités Littéraires Télématiques), et réalisé par Eric Joncquel, a relié pendant six jours des équipes rassemblées autours de terminaux informatiques à Toulouse, Paris, Liège, Chicago et Genève, chaque site utilisant les littéraciels de l'ALAMO ou exploitant des systèmes locaux de traitement de texte. Cette réalisation a reçu le « Faust d'or » 1988 pour le langage.

A l'occasion de l'exposition Ars Technica Première, organisée en novembre 1992 par la Cité des Sciences et de l'Industrie à La Villette, nous avons présenté une maquette intitulée COSMICOM-X visant à intégrer, dans un système multimedia de type CAVF, un algorithme de production de textes saisis dans l'œuvre d'Italo Calvino et un générateur d'images de synthèse exploitant le langage IKOGRAPH, dans une réalisation de Sabine Porada et de l'équipe LAMI (Laboratoire de recherche en Architecture, Méthodologie de la conception et Infographie).

B. Depuis 1998

Les premières versions des littéraciels utilisés par ALAMO comme CAVF et LAPAL ne conviennent plus aux nouveaux systèmes d'exploitation. Il faut donc en créer de nouvelles compatibles avec ces derniers et qui soient exploitables sur internet, répondant ainsi à l'arrivée du numérique en tout lieu.

En 1998, Guy Chaty est élu président de l'ALAMO. Une nouvelle version de CAVF disponibles sur internet, est mise au point par des étudiants de maîtrise de l'université Paris XIII-Villetaneuse en 2002 sous la direction de Guy Chaty : Olivier RAMOS, Patrick DOS SANTOS, Stéphane ALLEMANDI. Elle est revue et corrigée par Eric Joncquel.

Une nouvelle version de LAPAL est élaborée par des étudiants de maîtrise de l'Université Paris XIII en 2001, programmée en PHP3 associé à la base de données MySQL : Benoît MOINE, Patricia MICHON, Gregory NONCENT, Benoît PAGET ; également sous la direction de Guy Chaty. Les étudiants ont entièrement repris l'analyse du logiciel à partir d'une structure arborescente et conçu la réalisation des contraintes. Elle est, depuis, en cours d'amélioration.

La structure de production est une arborescence dont les feuilles, sommets sans fils, correspondent aux éléments ou items (mots, vers, phrases,…) tirés au hasard dans un ou plusieurs corpus. Par exemple pour une phrase, on pourra avoir les corpus : articles, noms, adjectifs, verbes… Cette arborescence peut être décomposée en sous-arborescences, appelées schémas, chacune étant composée d'une racine et des fils de la racine. Les sommets racines de schémas sont des nœuds.

A chaque item du corpus peuvent être associés un ou plusieurs attributs. Par exemple pour un mot d'une phrase, on pourra avoir deux attributs : le genre et le nombre. Pour un vers d'un poème : la rime ou le nombre de pieds. Un attribut a des valeurs. Par exemple, pour l'attribut genre, ses valeurs seront : m (masculin), f (féminin) ; pour le vers : il pleuvait fort sur la grand route, une valeur de la rime sera oute.

Ce sont les schémas qu'ils faut implanter du plus simple au plus complexe, après avoir implanté corpus avec attributs. Pour une phrase : groupe nominal, groupe verbal, groupe complément, seront conçus avant la phrase. Les schémas indiquent l'ordre dans lequel seront tirés les items du corpus, qui est l'ordre de parcours de l'arborescence.

Les contraintes, autres que celles déjà imposées par les schémas, portent sur les attributs. Par exemple dans une phrase, les genres d'un nom et de son adjectif doivent être les mêmes. Elles sont implantées en les considérant comme des arborescences pointant sur les feuilles adéquates.

Dans les versions ultérieures des logiciels, les structures des contraintes pourront être plus complexes : inégalité, supériorité, appartenance ou non à un ensemble, relation entre les attributs des éléments successifs (compatibilité, fonction numérique, relation récurrente,…), relations logiques entre les contraintes (conjonction, disjonction, implication : si .. alors ..),… ceci afin d'obtenir des contraintes sémantiques.

Nous n'avons pas cessé de poursuivre l'amélioration de LAPAL. Un obstacle majeur fut l'arrêt des subventions du ministère de l'éducation nationale. Le travail des étudiants de maîtrise ne posa pas de problème financier et donna de bons résultats. Les étudiants de DESS, bien qu'ils participèrent à l'élaboration de nouveaux logiciels basés sur des notions informatiques plus efficaces, ne purent fournir un résultat opérationnel faute de temps. Au niveau des écoles d'ingénieur les stages étaient trop coûteux.

La collaboration avec Fondation 93, Centre de Culture Scientifique, Technique, et Industrielle de Seine-Saint-Denis, fut fructueuse à deux titres. Les enseignants comprirent l'intérêt pédagogique qu'ils pouvaient retirer de la pratique de LAPAL. Une adaptation de ce logiciel fut entreprise par Fondation 93 qui en retour nous donna des moyens financiers pour améliorer LAPAL. Un informaticien de qualité fut embauché par ALAMO dans ce but.

B.1 Les ateliers

Guy Chaty et Josiane Joncquel sont intervenus dans une classe de cinquième du collège Lucie Aubrac, de Livry-Gargan. En fin de parcours, les productions des élèves ont été mises en scène dans un dispositif scénographique diffusé dans le cadre de la 9e manifestation du Salon Culture et Jeux Mathématiques organisé par le CIJM (Comité International du Jeux Mathématiques) sur la Place Saint-Sulpice à Paris fin mai 2009.

B.2 Autres activités

L’ALAMO a continué à participer régulièrement à des événements culturels : animations en médiathèque ou dans des établissements d’enseignement ou des musées. De plus en plus fréquemment, en effet, la mise en œuvre des nouvelles technologies au service de la création littéraire et artistique suscite l’intérêt du public et des enseignants pour des réalisations multidisciplinaires. C’est dans cet esprit que les membres d'ALAMO ont participé à des présentations et réalisations d'ALAMO dans les cadres suivants :

C. Conclusions

CAVF et LAPAL donnent à l'écrivain le plaisir de pouvoir créer des textes, de découvrir ce qui sort sur l’écran ou sur l’imprimante - on a parfois de bonnes surprises - le plaisir d’imaginer de nouvelles idées de création. L'écrivain a tout le loisir de ne retenir que les productions intéressantes. Celles-ci seront d'autant plus nombreuses que les corpus seront copieux.

ALAMO présente aussi un intérêt pédagogique très important : d’une manière amusante, en jouant sur l’ordinateur, on peut apprendre la grammaire, des éléments de littérature, prendre conscience des beautés et des subtilités du langage naturel, s'initier à la poésie en stimulant sa propre imagination. Ce qui, nous l'avons vu, a été exploité en diverses occasions.

Outre la possibilité de se fabriquer des programmes de génération de textes, il existe toujours sur le site ALAMO les programmes conçus ou modernisés par Michel Bottin, Paul Braffort, Marcel Benabou, Jacques Roubaud dans la rubrique Programmes qui fournissent une production à chaque clic.

D. Place d'ALAMO dans la modernité

ALAMO est un outil pour ceux que s'intéressent aux générateurs de textes. Rappelons que des écrivains célèbres ou moins connus ont inventé différentes manières de produire des textes. Dans un numéro de la revue Poésie première consacré à l'humour des poètes contemporains, nous avons évoqué les écrivains qui utilisent le calembour comme générateur de textes7 : Michel Leiris, Raymond Queneau, Claude Simon,... Leiris les nomment « calembours poétiques », qui disséminent le signifiant (par exemple dans Aurora). Chez Simon, les jeux de mots font construire et avancer le texte, mais il ne faut pas oublier que les associations de signifiants relèvent essentiellement de l'imaginaire de l'auteur. Nous pouvons aussi dans le même ordre d'idée de générateur de textes faire allusion à Henri Michaux8. ALAMO ne repose pas sur les mêmes principes. Prolongement informatique de l'OULIPO, il est basé sur la notions de contraintes, celles d'abord de la structure imposée. Ensuite il utilise la force de l'aléatoire qui démultiplie les possibilités. Mais là aussi les corpus et les structures proposés relèvent essentiellement de l'imaginaire de l'auteur.

Plus près de nous, Philippe Jaffeux utilise également l'ordinateur : « …il s'inscrit dans la continuité d'expériences artistiques contemporaines, devenues à leur tour traditions, comme celles du texte à contraintes qu'a popularisée l'Oulipo, croisées à celles des poésies concrète, visuelle, numérique, pour reprendre une énumération de l'auteur »9.

Il a fait l'objet de publications dans diverses revues de poésie, dont Poésie/première n°56.

Pour ceux qu'inquiète la mise en œuvre des technologies nouvelles au service de la création artistique, nous voudrions rappeler les analyses prémonitoires d'Italo Calvino qui déclarait, bien avant que les réalisations soient au rendez-vous10 :

Quel serait le style d'un automate littéraire ? Je pense que sa vraie vocation serait le classicisme : le banc d'essai d'une machine poético-électronique sera la production d'œuvres traditionnelles, de poésies à formes métriques closes, de romans armés de toutes leurs règles.
[…]
La vraie machine littéraire sera celle qui sentira elle-même le besoin de produire du désordre, mais comme réaction à une précédente production d'ordre; celle qui produira de l'avant-garde pour débloquer ses propres circuits, engorgés par une trop longue production de classicisme. Et, de fait, étant donné que les développements de la cybernétique portent sur les machines capables d'apprendre, de changer leurs propres programmes, d'étendre leur sensibilité et leurs besoins, rien ne nous interdit de prévoir une machine littéraire qui, à un moment donné, ressente l'insatisfaction de son traditionnalisme et se mette à proposer de nouvelles façons d'entendre l'écriture, à bouleverser complètement ses propres codes
[…]
Telle serait une littérature capable de correspondre parfaitement à une hypothèse théorique, c'est-à-dire, en fin de compte, la littérature.

   Paul Braffort, Guy Chaty, Josiane Joncquel-Patris

1 OULIPO, Atlas de Littérature Potentielle, Gallimard 1981.

2 Exemple : La vie mode d'emploi, de Georges Pérec, Hachette 1978, aux contraintes nombreuses et compliquées.

3 Paul Braffort, La littérature assistée par ordinateur, Action poétique n°95, 1984, p.12.

4 Actes de la journée “Recherche, Technologie, Création”, ministères de la Culture, de la Recherche et de la Technologie, 1982.

5 Séminaire du Collège International de Philosophie : Les problématiques de l'espace à l'intersection de la Science et de la Littérature, avril/juin 1994 avec Paul Braffort, Josiane Joncquel-Patris, Isabelle Krzykowski et Chantal Michel.

6 Compte-rendu dans le journal le Parisien du 7 mai 2006.

7 Guy Chaty, Le calembour, à l'insu ou non du plein gré, Poésie/première, n°51, nov 2001-fév 2012.

8 Guy Chaty, Du bon usage de la contrainte, Poésie/première, n°28, mars-juin 2004, Editinter.

9 Claude Vercey, revue Décharge, n° 157, mars 2013.

10 Italo Calvino : Cybernétique et fantasmes ou de la littérature comme processus combinatoire in La machine littérature, Seuil 1984, p. 18.

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